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Perdre son droit de propriété : est-ce possible ? (Les effets de la prescription acquisitive)


Les effets de la prescription acquisitive


Notre droit civil prévoit qu’il est possible que le propriétaire d’un bien se voit soustraire son droit de propriété au profit d’une autre personne. En effet, l’écoulement du temps et la possession d’un bien peuvent permettre à une autre personne de devenir propriétaire du bien qu’il soit mobilier ou immobilier. Les prochaines lignes s’attarderont à expliquer comment cela peut être possible.


Qu’est-ce que la prescription acquisitive ?


Le C.c.Q énonce que la prescription acquisitive est un moyen d’acquérir le droit de propriété ou l’un de ses démembrements par l’effet de la possession.[1] Il s’agit donc en termes clairs de devenir le propriétaire réel du bien appartenant à autrui.


Qu’est-ce que la possession ?


La possession dont il est question dépasse le simple fait de posséder un bien au sens strict. Pour que la prescription acquisitive trouve effet, la possession doit satisfaire aux exigences prévues par la loi.


La possession est composée de deux éléments[2]. Le premier est la maîtrise physique du bien, ce que l’on appelle en terme juridique le corpus[3]. L’autre composante est l’intention de la personne de se comporter comme celui qui détient le droit de propriété ce qu’on appelle l’animus[4]. Cette dernière se présumera si la première composante est établie et si la personne qui veut revendiquer le bien se comporte comme son propriétaire[5]. Cette présomption est toutefois réfutable, notamment si la preuve démontre que le prétendu possesseur du bien reconnaît le domaine supérieur d’autrui. Par exemple en présentant l’aveu d’avoir demandé la permission d’utiliser le bien,[6] cela équivaut en quelque sorte de reconnaître qu’on n’exerce pas la possession.


Il faut prendre garde à ne pas confondre cette reconnaissance de droit de la connaissance du droit de propriété qui elle n’empêche pas de revendiquer la propriété du bien[7]. Si le geste de possession ne révèle pas l’intention de se comporter comme le propriétaire du bien, la possession sera équivoque et fera échec à l’application de la prescription acquisitive.


Toutefois, la possession doit respecter certains critères. En effet, elle doit être exercée de fait par soi-même ou par un intermédiaire[8] en respectant les exigences suivantes.


Cette possession doit être utile, ce qui veut dire qu’elle doit être exercée de façon paisible, continue, publique et non équivoque.[9]


  • Elle est paisible lorsqu’elle débute sans violence et sans ignorer ni enfreindre un avis du propriétaire réel.

  • Elle est continue si le requérant a posé des gestes réguliers relativement au bien, toutefois, ce critère se présume.[10]

  • Elle est publique si elle n’est pas clandestine ou secrète. Elle doit donc être exercée aux yeux des tiers.

  • Elle est non équivoque lorsqu’elle est certaine et exclusive à celui qui la revendique.


Il appartient donc à celui qui invoque la prescription acquisitive de prouver qu’il a exercé sa possession selon ces critères et celui qui désire contester sa demande doit démontrer que cette possession est viciée.[11]


Combien de temps faut-il exercer la possession avant de pouvoir revendiquer la propriété d’un bien ?


En matière immobilière, celui qui possède l’immeuble de bonne foi pendant 10 ans peut en devenir propriétaire en faisant une demande en justice.[12] En matière mobilière, celui qui possède un meuble de bonne foi en devient propriétaire après trois ans suivant la dépossession du propriétaire. Le propriétaire a donc jusqu’à l’échéance de ce délai pour revendiquer son meuble.[13]


La bonne foi du possesseur et l’interdiction d’user de subterfuge


Celui qui exerce la possession doit avoir fait preuve de bonne foi lors de l’acquisition et s’il joint sa possession à des possesseurs antérieurs, ceux -ci sont aussi tenus par cette exigence.[14] Le possesseur de mauvaise foi qui était de bonne foi lorsqu’il a commencé sa possession utile ne sera pas empêché de revendiquer le droit de propriété.[15] Cependant, si la mauvaise foi et la fraude sont cumulées, la possession en sera viciée. Aucun subterfuge ne peut être utilisé pour tromper le vrai propriétaire afin d’invoquer la possession du bien.[16] Il est donc interdit par exemple de changer la délimitation d’un lot pour tromper le propriétaire réel.


Vous aurez donc compris que l’acquisition d’un droit de propriété par l’effet de la prescription acquisitive est une question de faits.



[1] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 2910. [2] Ville de Lévis c. Mathieu, 2021 QCCQ 23, para 32. [3] Céline Gervais, La prescription, Montréal, Yvon Blais, 2009, p.194 [4] Denys-Claude Lamontagne, Biens et propriété, 8e éd.,Montréal, Yvon-Blais, 2018, p. 473, no 666. [5] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art 921 al 2. [6] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art 923. [7] Dupuis c. Gauthier, 2013, QCCA 774, par 37. [8] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 921 al 1. Et Ville de Lévis c. Mathieu, 2021 QCCQ 23, para 32. [9] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 922. [10] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 925. [11] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 928. [12] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 2918. [13] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 2919 al 1et 2. [14] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 2920 al 1et 2. [15] Repos Saint-François d’Assise c. Sabelli, 2021 QCCA 1173, par. 48. [16] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 927.

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