L’ACTION OBLIQUE
L’action oblique est un concept juridique qui permet à un créancier d’agir au nom de son débiteur lorsque ce dernier ne fait pas valoir ses droits. Cette procédure vise principalement à protéger les intérêts des créanciers en leur offrant une voie d’accès aux biens ou droits que le débiteur pourrait négliger ou ne pas défendre.
Fondements juridiques
L’action oblique est régie par le Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.) à ses articles 1627 et suivants. Le recours est ainsi défini : « Le créancier dont la créance est certaine, liquide et exigible peut, au nom de son débiteur, exercer les droits et actions de celui-ci, lorsque le débiteur, au préjudice du créancier, refuse ou néglige de les exercer »[1]. En d’autres mots, l’action oblique permet à un créancier d’exercer les droits et actions appartenant à son débiteur, à la condition que ce dernier refuse ou néglige de le faire. « Le créancier agit ainsi au nom et pour le compte de son débiteur dans un rapport de droit où ce débiteur est lui-même créancier d’une tierce personne »[2].
L’article 1629 C.c.Q. mentionne que « [c]elui contre qui est exercée l’action oblique peut opposer au créancier tous les moyens qu’il aurait pu opposer à son propre créancier ».
L’article 1630 C.c.Q. stipule que « [l]es biens recueillis par le créancier au nom de son débiteur tombent dans le patrimoine de celui-ci et profitent à tous ses créanciers ». En agissant en lieu et place de son débiteur, le créancier a comme objectif d’enrichir le patrimoine de ce dernier pour ainsi espérer réaliser la créance qu’il détient. En effet, en augmentant la valeur du patrimoine du débiteur, le créancier augmente également ses chances d’obtenir un paiement total de sa créance.
L’action oblique bénéficie particulièrement aux créanciers ordinaires, dit également chirographaires, dont la créance n’est pas assortie d’une garantie légale. Dans les faits, ces créanciers ne disposent que d’un gage commun sur le patrimoine de leur débiteur.
Toutefois, un créancier qui intente une action oblique doit savoir qu’en procédant de la sorte, il n’a pas un droit général de gestion du patrimoine du débiteur; il ne possède pas non plus un droit d’ingérence illimité ou absolu[3]. Le créancier ne peut non plus exercer les droits et actions qui sont exclusivement attachés à la personne du débiteur[4].
Conditions d’application
Pour qu’un créancier puisse exercer un recours en action oblique, des conditions doivent être remplies.
Premièrement, il doit y avoir une inaction du débiteur et cette inaction doit causer un préjudice au créancier.
Deuxièmement, le créancier doit démontrer un intérêt à intenter un tel recours en démontrant le préjudice subi par l’inaction de son débiteur; ce préjudice se démontre notamment par l’insolvabilité de ce dernier. Toutefois, l’insolvabilité ne constitue pas une condition formelle de l’action oblique[5]. Dans ce cas, le créancier devra démontrer que malgré la solvabilité du débiteur, il subit un préjudice par l’inaction de ce dernier.
Troisièmement, la créance doit être certaine, liquide et exigible, c’est-à-dire que la créance doit exister, être déterminée ou déterminable et qu’elle est arrivée à échéance. Toutefois, le Code civil du Québec mentionne qu’« [i]l n’est pas nécessaire que la créance soit liquide et exigible au moment où l’action est intentée; mais elle doit l’être au moment du jugement sur l’action »[6].
Nous pouvons également ajouter que le créancier doit nécessairement faire la preuve de l’existence du droit de son débiteur et s’assurer que ce dernier n’y a pas renoncé ou que ce droit n’est pas prescrit[7].
Avantages
L’action oblique présente plusieurs avantages. En effet, ce recours offre une protection aux créanciers en leur permettant d’agir lorsque le débiteur refuse ou néglige de défendre ses intérêts. Il offre également une chance supplémentaire de récupérer des créances, même lorsque le débiteur est inactif.
En conclusion, l’action oblique est un outil essentiel pour garantir les droits des créanciers face à l’inaction des débiteurs. En permettant aux créanciers d’agir au nom et pour le compte de leurs débiteurs, ce mécanisme contribue à maintenir l’équilibre dans les relations contractuelles et à protéger les intérêts économiques. Toutefois, sa mise en œuvre nécessite une compréhension des enjeux juridiques et des procédures associées.
[1] Article 1627 al. 1 C.c.Q.
[2] Tancelin Maurice, Des obligations en droit mixte du Québec, Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, par. 896.
[3] Vincent Karim, les obligations – Volume 2 (art. 1497 à 1707 C.c.Q.), 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2024, par. 3098.
[4] Article 1627 al. 2 C.c.Q.
[5] Fontaine c. Wilson, 2022 QCCQ 10216, par. 15.
[6] Article 1628 C.c.Q.
[7] Vincent Karim, les obligations – Volume 2 (art. 1497 à 1707 C.c.Q.), 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2024, par. 3139.
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