Sous le Code civil du Bas-Canada, les types de préjudice étaient partagés selon une division bipartite (préjudice matériel et moral). Lors de la réforme du Code civil du Québec, le législateur décida d’adopter une division tripartite composée des préjudices « corporel, moral et matériel ». Dans ce billet, faisons la lumière sur cette terminologie souvent source de confusion.
Afin de faire la distinction entre les différents types de préjudices existants, il est important d’étudier les enseignements du plus haut tribunal du pays. La Cour Suprême écrit dans Robinson : « C’est la violation initiale, plutôt que les conséquences de cette violation, qui sert de fondement pour décider du type de préjudice subi. »
Le préjudice corporel
Le préjudice corporel doit être compris comme étant une atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. Une telle atteinte peut entrainer une perte pécuniaire (exemple : perte salariale) ainsi qu’une perte non pécuniaire (exemple : souffrance). En 2013, la Cour Suprême rappelle dans l’arrêt Robinson, que l’on doit déterminer si un acte cause un préjudice à l’intégrité physique de la victime ou si l’acte a eu une incidence sur la santé physique de la victime sans être fondamentalement un préjudice à l’intégrité physique. Dans le cas de M. Robinson, bien que les agissements des défendeurs aient eu des conséquences importantes sur sa santé, l’atteinte initiale était la violation de ses droits de propriété, ainsi on ne peut qualifier ses atteintes de préjudice corporel.
L’évaluation des pertes pécuniaires et non pécuniaires relatives à un préjudice corporel est complexe et mériterait à elle seule un billet, tant les principes régissant cette évaluation sont vastes. Notons ici seulement, que la composante d’indemnisation des pertes pécuniaires n’a pas de plafond au nom du principe de la réparation intégrale. Cependant, les pertes non pécuniaires relatives à un préjudice corporel sont plafonnées à un montant de 100 000$ (ajusté à l’inflation depuis l’année 1978, année où la décision Andrews fut rendue), ce qui donne en 2020 plus de 350 000$.
Le préjudice matériel
Le préjudice matériel quant à lui est une atteinte, par le bris ou la destruction d’un bien, le bien peut être meuble ou immeuble, ou encore être une atteinte à un intérêt financier. Ce type d’atteinte peut entrainer des conséquences pécuniaires (exemples : perte du bien, perte de profit) et des conséquences non pécuniaires (exemples : stress et souffrances).
Afin d’évaluer les pertes pécuniaires subies par la victime lors de l’atteinte à un bien, il faudra d’une part évaluer le coût de remplacement ou de remise en état du bien endommagé ou détruit et d’autre part indemniser la victime pour les pertes, qu’elles soient temporaires ou permanentes, résultant de l’impossibilité pour celle-ci d’utiliser le bien ou de générer des profits.
Le bris ou la destruction d’un bien peut également entrainer des pertes non pécuniaires pour la victime d’une atteinte à un bien matériel. Selon le Code Civil du Québec, les animaux de compagnies sont considérés comme des biens, ainsi la perte d’un animal peut être source d’ennui, de détresse ou d’inconvénients importants qu’il convient d’indemniser. Contrairement au préjudice corporel, il n’existe pas de plafond d’indemnisation pour les pertes non pécuniaires découlant d’une atteinte à un bien. Aux dommages non pécuniaires peuvent être ajouter des dommages-intérêts pour compenser les inconvénients et la perte de jouissance d’un bien. De plus, il est possible d’obtenir des dommages punitifs en cas de violation au droit à la jouissance paisible de ses biens protégés par l’article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne.
Le préjudice moral
Le préjudice moral est l’atteinte à la réputation. Ce préjudice peut lui aussi engendrer des conséquences pécuniaires et non pécuniaires.
En matière de diffamation, les réclamations sont le plus souvent non pécuniaires. Cependant, les tribunaux peuvent, si la preuve le soutient, compenser la victime d’un préjudice moral pour des pertes pécuniaires. Il n’existe pas de plafond, car les tribunaux doivent respecter le principe fondamental de la réparation intégrale. Dans cette catégorie, on retrouve notamment des réclamations pour manque à gagner, perte de salaire, de clientèle, les coûts de certains soins comme le la psychothérapie.
Relativement aux pertes non pécuniaires, il est parfois difficile de réparer l’irréparable. Lors de l’évaluation des pertes non pécuniaires relatives à un préjudice moral, les tribunaux devront prendre en compte plusieurs facteurs, notamment la réputation préalable de la victime, la contribution de la victime par sa conduite, de la gravité des propos diffamants, de l’ampleur de la diffusion et de la permanence des effets.
Si vous avez des questions relativement à un préjudice que vous avez subi, n'hésitez pas à nous contacter concernant votre situation au 819-471-9491.