Le contrat en droit civil – les éléments essentiels
La formation du contrat – les conditions de forme
Le contrat peut être défini comme « une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes font naître entre elles des obligations ou transfèrent un droit réel »[1], par exemple le droit de propriété d’un bien.
Au Québec, le droit civil prévoit qu’un simple échange de consentement, entre des personnes capables de contracter, permet de former un contrat en bonne et due forme[2]. L’importance accordée à la volonté individuelle de contracter, soit le consensualisme, caractérise le droit civil québécois.
Néanmoins, certains contrats s’opposent au principe du consensualisme et sont assujettis à des conditions de forme[3]. Par exemple, pour être valablement formés, certains contrats doivent absolument être constitués d’un écrit[4] ou encore être notarié[5].
La formation du contrat – les conditions de fonds
L’article 1385 du Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.) détermine les quatre éléments essentiels à la formation d’un contrat. Les parties au contrat doivent avoir donné leur consentement, notamment de manière libre et éclairée[6], avoir la capacité juridique de contracter[7]. Le contrat doit également avoir une cause[8] et un objet[9].
Pour qu’un contrat puisse se former, il est indispensable qu’il précède une offre de contracter ET une acceptation de cette offre. L’article 1388 du C.c.Q. prévoit qu’une offre de contracter doit comporter les quatre caractéristiques suivantes :
L’offre doit être ferme, c’est-à-dire qu’elle est sérieuse et finale et qu’en cas d’acceptation de ladite offre, les parties ont l’intention d’être liées par celle-ci;
L’offre doit être non-équivoque, c’est-à-dire que les cocontractants doivent connaitre tous les éléments du contrat;
L’offre doit être complète, c’est-à-dire que tous les éléments importants et déterminants s’y retrouvent et;
L’offre doit porter sur un objet précis.
Une offre de contracter ne doit ni être transmise ni être acceptée à la légère. Dès lors qu’une offre de contracter est acceptée ET qu’elle comporte tous les éléments essentiels, celle-ci emporte des effets juridiques qui peuvent s’avérer important, notamment puisque l’une ou l’autre des parties contractantes pourrait notamment saisir les tribunaux dans l’objectif de forcer l’exécution dudit contrat, par exemple en obligeant le vendeur à vendre ou l’acheteur à payer et acheter un immeuble.
Pour reprendre les termes de l’Honorable juge Beaudoin dans la décision Provenzano c. Babori, « notre droit des contrats est soumis à un autre grand principe qui est le respect de la parole donnée et l'exécution de bonne foi des engagements. Un contractant ne peut refuser de respecter ses obligations en invoquant un simple prétexte ou tenter de se soustraire aux conséquences d'un contrat valablement conclu par de simples arguties. »[10].
Distinction : invitation à contracter, promesse de contracter et offre de contracter
Il importe de distinguer la simple invitation à contracter, la promesse de contracter et l’offre de contracter.
Une simple invitation à contracter permet à l’offrant de ne pas engager sa responsabilité contractuelle même s’il refuse une offre jugée raisonnable. En effet, une invitation à contracter ne comporte pas tous les éléments essentiels d’une offre de contracter.
Par exemple, la Cour d’appel du Québec a déterminé qu’une personne qui complète une fiche descriptive auprès d’un agent d’immeuble pour mettre sa propriété en vente constitue une « invitation générale à s'intéresser à l'immeuble et à soumettre des offres, plutôt qu'une promesse de contracter aux conditions du contrat de courtage »[11]. Toujours selon le Cour d’appel du Québec, il en va de même lorsque les éléments essentiels ne sont pas négociés ou si l’une des parties doit demander des précisions sur des éléments essentiels[12].
Dans le cas d’une promesse de contracter bilatérale, communément appelé avant-contrat ou promesse d’achat ou promesse de vente, cette promesse de contracter engage les parties à conclure la convention ou le contrat projeté. La promesse (d’achat ou de vente) est donc un contrat qui lie les parties et dont l’objet et la cause sont de conclure le contrat faisant l’objet de la promesse.
L’offre de contracter quant à elle exprime la volonté des parties d’être liées par le contrat envisagé une fois que celui-ci est valablement formé.
Les éléments essentiels de l’offre de contracter
Les éléments considérés essentiels constituent une question de faits et de circonstances propres à chaque contrat. Au fils des ans, les tribunaux ont eu l’occasion de se prononcer sur les éléments essentiels de nombres contrats. De façon non limitative et récapitulative, les éléments suivants ont été considérés essentiels :
La description de l’immeuble et le prix de vente[13];
La date de signature de l’acte de vente devant notaire[14];
La présence d’un cautionnement ou d’une lettre d’engagement[15];
L’identité du cocontractant[16];
La présence et les modalités d’une servitude[17];
Les modalités de paiement et de transfert[18];
Le nom du prêteur, du terme du prêt, du taux d'intérêt et les modalités de remboursement[19]
Les plans de construction et le cas échéant le prix des travaux additionnels[20]
L’échéancier du chantier et la date de livraison[21];
La superficie du terrain vendu[22];
Conclusion – l’importance d’une bonne rédaction
Ce bref article vise à distinguer l’offre de contracter de la promesse et de l’invitation à contracter tout en mettant en lumière certains éléments considérés importants et essentiels par les tribunaux afin de constituer une offre valable.
Le contrat est la « loi des parties ». La rédaction des contrats est complexe et nécessite une analyse particulière de l’opération juridique en cours et du cadre réglementaire applicable. Il est crucial que la rédaction tienne compte des particularités propres à chaque situation et reflète fidèlement les engagements des parties.
Même si un contrat est valablement formé, il est possible que son exécution ou son application devienne problématique. Des enjeux d’interprétation (le sens que les parties ont souhaité donner aux clauses du contrat) ou des enjeux de détermination du contenu (les éléments essentiels ou l’absence d’un élément important) peuvent survenir à tout moment.
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Note : cet article ne constitue pas un avis juridique et ne doit en aucun cas être interprété comme tel.
Note : cet article est en vigueur au jour de sa rédaction et est sujet à changements.
[1] Juridictionnaire, Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton, mis en ligne par le Bureau de la traduction, Services publics et Approvisionnement Canada, définition de « Contrat », en ligne : < https://www.noslangues-ourlanguages.gc.ca/fr/juridictionnaire/contrat-convention >
[2] Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991 [ci-après C.c.Q.] art. 1385.
[3] Ibid art. 1414.
[4] C’est le cas par exemple de certains contrats conclus entre un commerçant et un consommateur suivant la Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c P-40.1.
[5] C’est le cas par exemple d’une hypothèque immobilière, supra note 2 art. 2693.
[6] Supra note 2 art. 1386.
[7] Ibid arts. 1398 et 1409.
[8] Ibid art. 1410.
[9] Ibid art. 1412.
[10] Provenzano c. Babori, 1991 CanLII 2796 (QC CA).
[11] Royal Lepage des Moulins Inc. c. Baril, 2004 CanLII 29347 (QC CA) au para 12.
[12] Jolicoeur c. Rainville, 2000 CanLII 30012 (QC CA) [ci-après Jolicoeur].
[13] Gosselin c. Boissonneault, 2004 CanLII 12494 (QC CQ) [ci-après Gosselin].
[14] Société en commandite RDB Châteauguay c. 4423241 Canada inc., 2021 QCCS 118 [ci-après SEC RDB] au para 24;
[15] 9203-7258 Québec inc. c. 9322-3014 Québec inc., 2017 QCCS 3490 (CanLII).
[16] Daigneault c. Ouellette, 2007 QCCS 5866 (CanLII) ; 335-3944 Québec inc. c. 6016537 Canada inc., 2017 QCCS 1013;
[17] Gosselin, Supra note 13.
[18] Clojess Canada Trust c. 9185-2160 Québec inc., 2012 QCCS 3988.
[19] Jolicoeur, Supra note 12.
[20] SEC RDB, Supra note 14.
[21] SEC RDB Ibid.
[22] Daraîche c. Vibert, 2014 QCCQ 947 (CanLII).