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RÉFORME DU DROIT FAMILIAL : L’INSISTUTION DU RÉGIME D’UNION PARENTALE
L’union libre, également appelée union de fait, a grandement augmenté en popularité au Québec. En effet, si la quasi-totalité des naissances avant les années 1970 étaient issues de parents mariés, c’est maintenant 65,5 % des enfants qui sont nés hors mariage en 2021[1]. Le Québec, face à l’évolution des modèles familiaux, continue d’adapter son droit familial aux nouvelles réalités sociales. Depuis la célèbre décision de la Cour Suprême Éric c. Lola[2], portant sur les couples en union libre, le gouvernement a mis en place différentes réformes du droit familial visant à répondre à un besoin croissant d’égalité et de reconnaissance des divers types de familles qui existent aujourd’hui et afin d’adapter la législation aux besoins des familles modernes.
L’une des réformes les plus récentes porte sur la création d’un nouveau régime juridique d’union parentale, alors que l’Assemblée nationale du Québec a adopté le Projet de loi n°56 intitulé : Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale[3], lequel projet de loi entrera en vigueur le 30 juin 2025.
Cette loi vise à instituer l’union parentale pour les conjoints de fait qui sont les parents d’un même enfant né ou adopté après le 29 juin 2025. La loi vient modifier le Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.) afin de prévoir que la formation de l’union parentale emporte la constitution d’un patrimoine d’union parentale. L’article 521.30 C.c.Q. mentionne que ce patrimoine d’union parentale sera composé des biens suivants, dont l’un ou l’autre des conjoints est propriétaire : les résidences de la famille ou les droits qui en confèrent l’usage, les meubles qui les garnissent ou les ornent et qui servent à l’usage du ménage et les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille. Il est également possible pour les conjoints, d’un commun accord, de modifier la composition du patrimoine d’union parentale ou de se soustraire à son application. Toutefois, toutes modifications ou retrait du patrimoine d’union parentale doivent être constatés par un acte notarié en minute, à peine de nullité absolue[4]. Un des conjoints peut également renoncer, à compter de la fin de l’union parentale, au partage du patrimoine d’union parentale. Le tout doit être fait par acte notarié en minute ou par une déclaration judiciaire dont il est donné acte, dans le cadre d’une demande en matière familiale[5].
Contrairement au mariage ou à l’union civile, la contribution d’un conjoint à un REER ou à un fonds de pension ne sera pas considérée dans l’appréciation du patrimoine établi dans le cadre d’une union parentale.
La loi prévoit également de rendre les règles de protection et d’attribution de la résidence familiale prévues pour les conjoints mariés ou unis civilement applicables aux conjoints qui sont en union parentale.
En outre, le Code civil du Québec prévoit également les règles applicables au partage du patrimoine d’union parentale dans le cas où l’union prendrait fin. Le Code prévoit, à son article 521.22, que l’union parentale prend fin selon l’une de ces trois (3) conditions : le décès de l’un des conjoints, la cessation de la vie commune ou le mariage ou l’union civile des deux conjoints ou le mariage ou l’union civile de l’un deux avec un tiers. La valeur des biens du patrimoine d’union parentale est alors partagée à parts égales entre les conjoints[6].
Les nouvelles dispositions du Code civil du Québec accordent également aux conjoints, dès la fin de l’union parentale, le droit de faire une demande de prestation compensatoire au tribunal, dans le cas où l’un d’eux estime s’être appauvri après avoir contribué à l’enrichissement du patrimoine de l’autre conjoint[7].
La Loi modifie également les dispositions en matière successorale relativement à la dévolution légale afin de permettre à un conjoint en union parentale d’hériter de son conjoint décédé n’ayant pas de testament[8].
Finalement, le Code civil du Québec vient définir pour la première fois la notion de conjoint de fait, laquelle se lit comme suit : « […] sont des conjoints de fait deux personnes qui font vie commune et qui se présentent publiquement comme un couple, sans égard à la durée de leur vie commune. Sont présumées faire vie commune les personnes qui cohabitent et qui sont les père et mère ou les parents d’un même enfant[9] ».
La réforme du droit familial et la création de l’union parentale sont des mesures essentielles pour accompagner les nouvelles réalités sociales. Elles visent à offrir une meilleure reconnaissance juridique des divers modèles familiaux et à garantir des droits égaux pour tous les parents et leurs enfants. Ces changements sont non seulement un progrès en matière d’égalité et de justice, mais ils témoignent également de l’engagement du Québec à promouvoir des lois inclusives, adaptées aux défis et aux évolutions de la société contemporaine.
[1] Institut de la statistique du Québec (https://statistique.quebec.ca/fr/document/le-bilan-demographique-du-quebec/publication/naissances-fecondite-bilan-demographique).
[2] Québec (Procureur général) c. A., 2013 CSC 5, [2013] 1 RCS 61.
[3] Projet de loi n°56, 2024, chapitre 22.
[4] Art. 521.31 et 521.33 C.c.Q.
[5] Art. 521.41 C.c.Q.
[6] Art. 521.34 C.c.Q.
[7] Art. 521.43 et suivants C.c.Q.
[8] Art. 653 et 654 C.c.Q.
[9] Art. 521.20 al. 4 C.c.Q.
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