L’hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble
Le Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.) prévoit quatre (4) créances pouvant donner lieu à une hypothèque légale (art. 2724 C.c.Q.). Parmi celles-ci, on retrouve l’hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble. Les principes de cette hypothèque légale se retrouvent aux articles 2726 et suivants C.c.Q.
L’article 2726 C.c.Q. vient préciser que l’hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble ne peut grever que cet immeuble. L’hypothèque ne peut être acquise qu’en faveur des architecte, ingénieur, fournisseur de matériaux, ouvrier, entrepreneur ou sous-entrepreneur et seulement pour les travaux demandés par le propriétaire de l’immeuble, ou à raison des matériaux ou services qu’ils ont fournis ou préparés pour ces travaux.
Le terme « travaux de construction » reste ambiguë et il n’est pas toujours évident de savoir ce qu’il inclut. En effet, le législateur ne précise pas si les travaux de réparation, d’aménagement paysager ou de démolition peuvent être considérés comme des travaux de construction. Toutefois, les tribunaux ont tendance à accorder une garantie légale lorsqu’il y a une plus-value apportée à l’immeuble par les travaux et que ces travaux étaient prévus dans le projet de construction initial.
Un des avantages de l’hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou la rénovation d’un immeuble est qu’elle existe sans qu’il ne soit nécessaire de la publier au Registre foncier (art. 2726 C.c.Q.). Toutefois, des actions sont nécessaires pour conserver cette hypothèque. En effet, l’article 2727 C.c.Q. vient préciser que l’hypothèque subsiste pendant les trente (30) jours suivant la fin des travaux. Avant l’expiration de ce délai, pour que l’hypothèque soit conservée, l’inscription d’un avis désignant l’immeuble grevé et indiquant le montant de la créance est nécessaire. L’avis, en plus d’être inscrit au Registre foncier, doit être signifié au propriétaire de l’immeuble.
Pour éviter que l’hypothèque ne soit éteinte, le créancier hypothécaire doit publier une action contre le propriétaire de l’immeuble ou inscrire un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire, dans les six (6) mois qui suivent la fin des travaux. Le préavis d’exercice d’un droit hypothécaire est prévu aux articles 2757 et suivants C.c.Q. Si l’hypothèque légale n’a pas été conservée, celle-ci peut être radiée suivant l’article 3061 al. 1 C.c.Q. et toute personne intéressée peut en faire la demande.
L’article 2728 C.c.Q. vient préciser que ce qui est garantie par l’hypothèque est la plus-value apportée à l’immeuble par les travaux, matériaux ou services fournis ou préparés pour ces travaux. La Cour d’appel, dans la décision Beylerian c. Constructions et rénovations Willico Inc.[1], a établi que la plus-value était une condition d’existence de la créance garantie par hypothèque légale. Le même arrêt vient mentionner que les travaux effectués sur un immeuble font présumer qu’une plus-value a été donnée à celui-ci. La notion de plus-value comporte également un deuxième aspect, soit celui d’assiette concernant le droit privilégié des créanciers ayant participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble. En effet, c’est seulement cette plus-value qui est visée par l’hypothèque légale et qui prend rang avant toute autre hypothèque (art. 2952 C.c.Q.). Comme mentionné par l’arrêt Construction Steco Inc. c. Gestion Michel Bélanger Inc.[2], il n’y a qu’une seule plus-value pour l’ensemble des travaux et elle s’établie suivant une analyse comparative entre la valeur de l’immeuble avant et après les travaux.
L’article 2728 C.c.Q. apporte une condition supplémentaire concernant les personnes qui n’ont pas elles-mêmes contracté avec le propriétaire de l’immeuble. En effet, lorsque c’est le cas, les personnes n’ayant pas contracté directement avec le propriétaire doivent dénoncer de manière écrite, auprès de ce dernier, les travaux, matériaux ou servies apportés. L’hypothèque légale est alors limitée qu’à ce qui est mentionné dans la dénonciation. Les ouvriers ne sont toutefois pas tenus de dénoncer leur contrat.
C’est l’article 2110 C.c.Q. qui vient définir ce qu’est la fin des travaux, soit lorsque l’ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine. Il ne peut y avoir qu’une seule fin des travaux, soit celle où l’ensemble du projet est terminé. Il ressort de la jurisprudence deux propositions concernant le principe de la fin des travaux, soit (1) la fin des travaux doit s’entendre du moment où l’immeuble est prêt, avec tout ce que comporte l’exécution intégrale du contrat, à l’usage auquel il est destiné et (2) l’occupation du bâtiment par le propriétaire ne peut servir à déterminer la date de la fin des travaux[3]. Il y a également lieu de se pencher sur la question de la suspension et de l’abandon des travaux. En effet, La suspension des travaux n’équivaut pas à leur terminaison ou à leur abandon[4]. Quant à l’abandon des travaux, cet abandon doit être le fait du propriétaire pour qu’il y ait fins des travaux et l’intention du propriétaire doit être claire et permanente[5]. A contrario, l’abandon des travaux par l’entrepreneur ne marque pas la fin des travaux.
[1] 1997 CanLII 10829 (QC CA).
[2] 2013 QCCA 217.
[3] Giannantonio c. Partition G.F., systèmes intérieurs Inc., 1995 CanLII 3663 (QC CQ).
[4] Tessier (Constructions Gérald Tessier) c. Arts, 2018, QCCQ 1095.
[5] Tsatas c. 9292-2988 Québec Inc., 2019 QCCQ 3416.
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