Droit du logement et projet de loi 31
Mise à jour le 17 janvier 2025
Le 21 février 2024, le projet de loi 31 est entré en vigueur. Un an après son entrée en vigueur, que retenir de ces changements législatifs et de l’application de ces nouvelles disposition par le tribunal administratif du logement?
1. La remise d’un avis concernant notamment le loyer payé
L’article 1896 du Code civil du Québec prévoit que le locateur doit, lors de la conclusion du bail, remettre au nouveau locataire un avis qui indique notamment le loyer le plus bas payé au cours des 12 mois précédant le début du bail.
Depuis le 21 février 2024, un locataire qui omet sciemment de remettre cet avis lors de la signature d’un nouveau bail s’expose à une condamnation par le tribunal à des dommages-intérêts punitifs. Il en va de même si l’avis comporte une fausse déclaration.
Cette modification législative traduit la volonté du législateur d’assurer que le locateur dévoile au locataire, de manière fiable, le loyer le plus bas payé au cours des 12 derniers mois et enclencher une demande en fixation de loyer si nécessaire[1].
Il est à noter qu’afin que le tribunal condamne un locateur à des dommages punitifs, le locataire qui recherche une telle condamnation doit administrer une preuve d’intention. En effet, le tribunal administratif du logement a déterminé que le simple fait de constater l’absence de l’avis n’est pas suffisant, suivant l’emploi du mot « sciemment » utilisé par le législateur[2].
2. Les nouvelles limites aux reprises du logement et les évictions
En plus des modifications adoptées par le projet de loi 31, le gouvernement a adopté le projet de loi 65[3]. Depuis le 21 mai 2024, ce projet de loi interdit au locateur d’évincer un locataire avant le 6 juin 2027, et ce, malgré le droit usuel du locateur d’évincer un locataire pour subdiviser, agrandir substantiellement ou changer l’affectation d’un logement[4].
Malgré ce moratoire sur les évictions, le locateur peut toujours reprendre un logement pour l’habiter lui-même ou y loger certains parents conformément à l’article 1957 du Code civil du Québec.
Le locateur doit informer le locataire de la reprise au moins 6 mois avant l’expiration du bail ou au moins six mois avant la date de reprise dans les cas d’un bail à durée indéterminée[5].
Le locataire bénéficie alors d’un délai de 30 jours pour faire connaitre ses intentions. En cas de refus de quitter ou advenant le défaut du locataire de répondre, le locateur doit présenter une demande au tribunal administratif du logement dans le mois du refus afin que le tribunal autorise la demande de reprise[6].
De plus, l’article 1965 du Code civil du Québec fixe dorénavant les frais et l’indemnité que le locateur doit verser au locataire lors d’une reprise de logement. Ainsi, le locateur devra verser une indemnité équivalent à 1 mois de loyer pour chaque année de location en plus des frais raisonnables pour le déménagement. L’indemnité représente minimalement 3 mois de loyer et au plus 24 mois de loyer.
Ce changement législatif codifie la jurisprudence du tribunal administratif du logement et uniformise l’indemnité à laquelle les locataires devraient avoir droit en cas de reprise du logement.
3. La sous-location et la cession
Dans l’objectif de contrecarrer la crise du logement[7], le droit en vigueur comporte de nouvelles obligations pour un locataire qui souhaite céder son bail et de nouveaux droits pour le locataire qui souhaite refuser une telle cession.
Le locataire peut sous-louer ou céder son bail. Dans ce cas, il doit aviser le locateur, obtenir son consentement[8] et indiquer la date à laquelle le bail sera cédé[9].
Depuis l’entrée en vigueur du projet de loi 31, le locateur qui se voit présenter une demande de cession par son locataire peut choisir l’une des options suivantes :
i. Accepter la demande de cession;
ii. Refuser la demande de cession et justifier ce refus par un motif sérieux;
iii. Refuser la demande de cession et justifier ce refus par tout autre motif ou;
iv. Refuser la demande de cession sans offrir de justification.
Lorsque le locateur refuse la cession, le bail est alors résilié à la date de la cession transmis par le locataire[10]. Cette possibilité pour le locateur de refuser une cession de bail sans motifs sérieux modifie considérablement le droit du locateur de choisir ses locataires[11].
4. Les dommages-intérêts punitifs en cas de logement déclaré insalubre
Le projet de loi 31 a modifié l’article 1917 du Code civil du Québec afin d’introduire l’octroi de dommages-intérêts punitifs dans les cas où un logement devient impropre à l’habitation en raison de la négligence du locateur.
Le locateur doit donc être vigilant et prendre les mesures qui s’imposent afin de remplir les obligations que lui imposent le Code civil du Québec, soit effectuer les réparations nécessaires[12], délivrer et maintenir le logement en bon état d’habitabilité[13] et respecter la règlementation et les exigences minimales en vigueur relativement à la sécurité, la salubrité et l’entretien[14].
Cependant, comme le rappel le juge administratif Landry, la modification de l’article 1917 du Code civil du Québec permet l’octroi de dommages-intérêts punitifs uniquement si le logement est impropre à l’habitation à la lumière des critères établis par l’article 1913 du Code civil du Québec. Un logement est impropre à l’habitation lorsqu’il constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public[15].
Il importe donc de distinguer un logement en mauvais état d’habitabilité (qui ne donne pas ouverture à l’octroi de dommages-intérêts punitifs) d’un logement impropre à l’habitation causé par la négligence du locateur.
En conclusion, le projet de loi 31 modifie et ajoute de nouvelles obligations et de nouveaux droits pour les locateurs et les locataires. Ces modifications sont toujours récentes et il est complexe de dégager un mouvement jurisprudentielle de ces nouvelles dispositions. N’hésitez pas à communiquer avec nos bureaux si vous avez des questions quant aux droits et obligations découlant de votre contrat de bail de logement.
[1] 9349-2338 Québec inc. c. Adam, 2024 QCTAL 20506 au para 49.
[2] Di Stefano c. Immeubles Pollender inc., 2024 QCTAL 38844.
[3] Loi limitant le droit d’éviction des locateurs et renforçant la protection des locataires aînés, 2024 chapitre 23.
[4] Code civil du Québec, arts. 1959 et suivants.
[5] Code civil du Québec, art. 1960.
[6] Code civil du Québec, arts. 1962 et 1963.
[7] Voir les commentaires du ministre lors de l’étude du projet de loi 31.
[8] Code civil du Québec, art. 1870.
[9] Code civil du Québec, art. 1978.1.
[10] Code civil du Québec, art. 1978.2.
[11] Voir notamment Immeubles Aquitaine c. Marcoux, 2024 QCTAL 27114, Al-Moussawi c. Marion, 2024 QCTAL 40649
[12] Code civil du Québec, art. 1864.
[13] Code civil du Québec, art. 1910.
[14] Code civil du Québec, art. 1912.
[15] Fowouo Kamgaing c. Gestion résidentielle Metcap inc., 2024 QCTAL 33673.
Note : cet article est en vigueur au jour de sa rédaction et est sujet à changements.
Note : cet article ne vise que certaines des modifications apportées par le projet de loi 31.
Note : cet article ne constitue pas un avis juridique et ne doit en aucun cas être interprété comme tel.
Commenti