Choisir un véhicule corporatif - S’incorporer ou pas ?
Si votre parcours professionnel vous mène à considérer la possibilité d’être votre propre patron, vous aurez alors à choisir le véhicule qui vous permettra d’opérer votre entreprise.
Au Québec, différentes formes juridiques sont disponibles pour opérer une entreprise. Quel que soit le véhicule corporatif choisi, vous devez vous questionner sur les raisons qui vous poussent à choisir une forme plutôt qu’une autre. Chaque situation est particulière et exige une attention d’autant plus minutieuse afin de faire le bon choix. Il faut donc prendre en considération les avantages et les désavantages de chacune des possibilités et considérer vos besoins compte tenu de votre situation et de vos projets d’affaires. Ce court article s’intéressera particulièrement à la forme d’entreprise qui représente le véhicule entrepreneurial le plus utilisé. Nous discuterons de la société par actions qui est l’une des formes juridiques d’entreprises qui est le mieux adaptée lorsque le but est lucratif. Nous la présenterons et exposerons brièvement ses avantages et ses désavantages afin de brosser un tableau qui pourrait éclairer le choix d’un futur fondateur d’entreprise désirant devenir son propre patron.
Les formes juridiques à but lucratif
Il convient tout d’abord de nommer les trois différentes formes juridiques qui selon nous sont les plus adaptées lorsque le but de l’entreprise est lucratif. Il est possible d’opérer une telle entreprise sous une des trois formes juridiques suivantes :
· La société par actions;
· L’entreprise individuelle;
· La société de personnes;
La société par actions
Au Québec, il est possible de créer et d’opérer une société par actions sous le régime provincial encadré par la Loi sur les sociétés par actions, (Ci-après la LSA), ou encore sous le régime fédéral balisé par la Loi Canadienne sur les sociétés par actions, (ci-après, la LCSA). Cependant, si votre société est constituée en vertu de la LCSA et que vous désirez faire des affaires au Québec, vous devrez obligatoirement l’immatriculer au Québec et payer les frais relatifs. Il faut soulever que ces lois et bien d’autres règlements viennent alourdir la gestion juridique d’une société par actions. Il faut noter que la LSA permet de simplifier certaines formalités pour les petites et moyennes entreprises et simplifie aussi la gestion pour l’actionnaire unique. Malgré ces allègements, l’aide d’un professionnel est souvent nécessaire.
Avant de choisir sous quelle forme votre entreprise opérera, il faudra notamment tenir compte du montant de l’investissement de départ, de votre niveau d’économie personnel, de la nécessité de cautionner personnellement l’entreprise pour qu’elle obtienne les fonds nécessaires pour démarrer. La préparation d’un plan d’affaire est grandement recommandée pour établir les perspectives en fonction de vos projets d’affaires. C’est entre autres pour ces raisons que de bons conseils sont requis avant de choisir la société par actions comme véhicule corporatif.
Pour constituer une société par actions, il faut compléter différentes formalités et certains frais obligatoires y sont rattachés. Vous aurez probablement besoin d’un professionnel comme un avocat lorsque vous devrez préparer les statuts de constitutions qui permettront d’inscrire votre société au Registre des entreprises du Québec. Ces formalités rendent évidemment plus compliquée et plus dispendieuse la constitution de cette forme d’entreprise.
Peu importe sous quel régime vous comptez incorporer, la société par actions est constituée de parts qui représentent la propriété de l’entreprise détenue par un ou plusieurs actionnaires. Au départ, la société fait appel à l’épargne de ses actionnaires pour se financer. Lorsque la société est autorisée à faire un appel à l’épargne public, elle pourra être cotée à la bourse. Les parts vendues sont des actions et elles constituent toutes un droit sur l’actif et sur le bénéfice.
La société par actions est une personne morale. Cette qualification lui permet de posséder la personnalité juridique[1] et d’ester en justice, soit prendre des procédures judiciaires. Cependant, seules les personnes morales qui employaient au plus 10 personnes au cours des douze mois précédents la demande peuvent avoir recours aux petites créances.
Elle peut pratiquement tout faire de façon indépendante puisqu’elle constitue une personne distincte aux yeux du droit. Par exemple, elle peut posséder, acquérir ou vendre des biens en son propre nom. Elle peut aussi emprunter de l’argent et passer des contrats. La personnalité juridique de la société par actions lui permet de continuer son existence même à la suite du décès des actionnaires. Elle pourra même dans certaines circonstances bénéficier de la protection de la Charte des droits et libertés de la personne.
Un des avantages majeurs de la société par actions est qu’elle possède un patrimoine distinct. Les créanciers peuvent donc poursuivre l’entreprise, mais ses administrateurs et actionnaires restent à l’écart sous réserve de certains cas d’exceptions. On y retrouve en quelque sorte le déploiement d’un rideau qui protège le patrimoine personnel des administrateurs et des actionnaires[2]. Attention, il ne s’agit pas d’une protection à toute épreuve et cela ne constitue pas un passe-droit pour la mauvaise foi. En effet, les administrateurs peuvent engager leur responsabilité s’ils commettent une faute. Pour cette raison, lorsqu’ils siègent au « CA »,[3] les administrateurs, sont tenus d’agir avec prudence, diligence et bonne foi. La liberté de décision des administrateurs est donc balisée par ces principes.
Si les administrateurs dérogent à leurs devoirs, en commettant « une fraude, un abus de droit ou s’ils contreviennent à une règle d’ordre public » [4] ils pourraient voir leur responsabilité personnelle être engagée et à ce moment le « voile corporatif » qui les protège pourrait être levé.[5] La Cour suprême a d’ailleurs précisé que :
« L’expression, (toute personne) utilisée par l’article 1457 du Code civil du Québec englobe manifestement les administrateurs et les dirigeants ».[6]
Les administrateurs peuvent ainsi faire l’objet de poursuites extracontractuelles et voir leur patrimoine réduit. Les actionnaires quant à eux sont responsables des dettes de la société à hauteur de leur investissement et ne sont normalement pas responsables des gestes des administrateurs.
D’autres avantages sont aussi à considérer comme l’immobilisation des capitaux ou encore un taux d’imposition qui est en principe plus avantageux que pour un particulier. Il est même possible dans certains cas de bénéficier d’un report d’impôt ce qui permet d’alléger le fardeau fiscal. Vous aurez aussi plus de facilité à obtenir du financement pour votre entreprise de la part des institutions financières.
Cependant, il est possible que l’on vous exige de garantir personnellement l’emprunt. Bien entendu, une telle garantie vous expose à engager votre responsabilité personnelle ce qui diminue substantiellement la protection discutée plus haut. La société gagnera en autonomie financière et en crédibilité auprès des institutions financières lorsqu’elle aura acquis une bonne cote de crédit et une certaine valeur à mettre en garantie elle-même. À ce moment votre entreprise devrait normalement réussir à obtenir du crédit sans que vous ne soyez obligé de cautionner l’emprunt.
Ce bref article nous aura permis de donner rapidement une bonne idée de la société par actions afin de vous permettre d’amorcer une réflexion sur l’opportunité d’utiliser ce véhicule corporatif.
[1] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 298. [2] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 309. [3] Abréviation pour Conseil d’administration. [4] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 1457. [5] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 317. [6] Magasin à rayons Peoples inc. (syndic de) c. Wise, 2004CSC 68 CanLII, [2004] 3 RCS 461 par. 56.
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