
Un testament peut être annulé en cas de fraude :
La captation, comment la reconnaître ?
Le décès d’un proche est une dure épreuve qui peut devenir encore plus difficile si en plus du deuil, des problèmes surgissent au moment de la succession. Dans ce court article, nous porterons notre attention sur le cas de la captation.
Qu’est-ce que la captation ?
La captation c’est lorsqu’une personne mal intentionnée réussit à influencer par la suggestion insidieuse ou la fraude une personne qui teste. Cette personne peut ou non le faire pour en tirer profit ou pour le profit d’une autre. Chose certaine, d’autres héritiers verront le patrimoine du testateur leur glisser entre les doigts. Dans un tel cas, il aura fallu que le consentement[1] du testateur soit détourné.
Qu’est-ce qui rend le consentement invalide ?
Le consentement peut être vicié par l’absence de capacité[2] du testateur de tester qui se considère au temps où le testament est fait[3]. Qu’il soit capable de tester ou non, les manœuvres dolosives telles les menaces, le mensonge, la tromperie, les manigances qui visent à influencer le testateur invalide son consentement à tester. Dans un cas de captation, le consentement affecté est celui du testateur qui se doit toujours d’être la manifestation libre et éclairée de sa volonté de tester. En effet, peu importe que ce dernier dispose de la capacité au temps du testament, le dol[4] rend le testament sans valeur de facto puisqu’il ne s’agit plus vraiment du consentement libre et éclairé du testateur.
Des situations qui doivent inquiéter
Il faut surtout s’inquiéter dans les situations ou une personne qui teste est vulnérable, affaiblie par la maladie ou encore lorsqu’elle ne bénéficie pas d’un entourage social favorable. Dans un jugement de 2019[5], la Cour supérieure mettait en exergue des faits qui militent en faveur de l’existence de la captation. Nous vous reproduisons ci-bas ces faits :
l’avocat ou le notaire est choisi par l’héritier;
l’héritier joue un rôle actif dans la confection du testament notamment lorsqu’il donne lui-même les directives;
la personne désignée au testament est présente avec le notaire au moment du testament;
les héritiers potentiels ne sont pas avisés des hospitalisations ou de la vraie nature de la maladie du testateur;
les liens entre l’héritier désigné et le testateur s’intensifient et deviennent quasi exclusifs;
l’héritier obtient une procuration générale qu’il utilise que la situation le requiert ou non. Ce dernier confond les biens du testateur avec les siens et se place en conflit d’intérêts durant la gestion;
l’héritier ne rend pas compte de l’administration faite par lui des biens du donateur de son vivant ou en tant que liquidateur après décès;
le liquidateur s’empresse de partager les biens après le décès;
le testateur est vulnérable au moment ou durant la période qui précède le testament;
l’héritier s’immisce dans les affaires du testateur;
il existe entre l’héritier et les autres membres de la famille ou héritiers potentiels des tensions ou du ressentiment;
l’héritier avise tardivement les membres de la famille, du décès;
l’héritier isole le testateur, fait preuve d’une intention et de prévenance intéressée ainsi que d’altruisme;
l’héritier tente d’effacer de la mémoire du testateur les autres héritiers potentiels; par le retrait des cadeaux donnés par eux, le retrait de photos les représentant ou l’interception de correspondance;
l’héritier est nommé liquidateur;
avant le décès l’héritier reçoit des dons ou avantages;
un changement subit d’attitude du testateur s’opère face aux tiers et autres héritiers potentiels;
il y a omniprésence et influence de l’héritier auprès du testateur;
le testament reflète ce que l’héritier croit juste et légitime;
l’héritier calomnie les héritiers présomptifs et irrite le testateur contre ces personnes;
l’héritier fait état ou exagère sa situation économique difficile;
plus d’un testament ou codicilles sont préparés;
les membres de la famille et autres tiers ne sont pas avisés des funérailles qui sont tenues dans la plus stricte intimité afin d’éviter aux héritiers de répondre aux questions concernant le testament et pour conserver le maximum de capital dans la succession.
Un seul ou plusieurs de ces faits peuvent donner des indices qu’il y a eu captation. C’est à celui qui l’invoque qu’appartient le fardeau de prouver que l’auteur de la captation a détourné le consentement du testateur par le dol.[6]
En terminant, le Code civil du Québec prévoit une présomption absolue de captation libellé ainsi :
Art. 761 C.c.Q : Le legs fait au propriétaire, à l’administrateur ou au salarié d’un établissement de santé ou de services sociaux qui n’est ni le conjoint ni un proche parent du testateur, est sans effet s’il a été fait à l’époque où le testateur y était soigné ou y recevait des services.
Le legs fait au membre de la famille d’accueil à l’époque où le testateur y demeurait est également sans effet.
Dans ces cas, il n’est pas nécessaire de prouver le détournement de consentement par le dol, la captation se présumera. Il faut donc être attentif aux circonstances entourant l’acte de tester afin d’être en mesure de percevoir les faits qui pourraient constituer une manœuvre de captation ce qui pourrait conduire à l’annulation du testament.
[1] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 1385. [2] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 4,703. [3] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 707. [4] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 1401. [5] M.p. c F.D, 2019 QCCS 771, par. 38. [6] Delli Quadri c. Antonacci, 2018 QCCA 1466, par 8